16 Nov Communiqué de presse : Vérification des antécédents judiciaires
Communiqué de presse Pour publication immédiate
Droits-Accès de l’Outaouais dénonce l’aspect discriminatoire du processus de vérification des antécédents judiciaires à l’égard des personnes vivant ou ayant vécu des problèmes de santé mentale
Gatineau, 16 novembre 2020- Droits-Accès de l’Outaouais tient à mettre en lumière une pratique à la fois discriminatoire et portant atteinte à la vie privée des personnes vivant un problème de santé mentale. Lorsqu’une personne souhaite œuvrer auprès d’une clientèle vulnérable (enfants, personnes handicapées, personnes âgées), des organisations peuvent exiger d’un employé ou d’un bénévole potentiel qu’il fournisse un rapport de ses antécédents judiciaires. Or, les policiers, qui sont mandatés pour fournir un tel rapport, sont souvent appelés à intervenir dans des situations psychosociales (ex. crise suicidaire), qu’elles soient ou non de nature criminelle. Ils ont donc l’occasion de compiler des données sensibles sur les personnes souffrant de problèmes en santé mentale. Ainsi, la mention « comportement à risque » peut faire surface parmi les antécédents judiciaires d’une personne ayant interagi avec la police lors d’une situation de crise dans les cinq dernières années. Bien que ces évènements ne soient pas de nature criminelle ou judiciaire et qu’ils ne constituent pas un danger envers autrui, ils peuvent néanmoins être ajoutés au dossier si le service de police juge que la personne présente un risque pour la population donnée, limitant ainsi les possibilités d’emplois et d’actions bénévoles des personnes fragilisées.
En effet, bien que les policiers soient habileté à agir à titre de premier répondant dans plusieurs situations, nous sommes en droit de nous poser de sérieuses questions sur leur autorité à compiler et divulguer des informations de nature délicate et confidentielle sur la santé de leurs concitoyens – particulièrement lorsque ces informations n’ont pas de pertinence judiciaire. De plus, ce genre d’information étant habituellement sévèrement protégé dans le domaine de la santé, Droits-Accès de l’Outaouais est étonné de constater que les services de police ne voient aucun problème à transmettre ces informations. Il est doublement problématique de constater que ces informations ne sont pas le produit d’évaluation par un professionnel en santé mentale, mais bien le fruit de l’observation de premiers répondants. Nous tenons d’ailleurs à souligner qu’une pratique semblable ne serait jamais tolérée dans le milieu de la santé et qu’elle a déjà été limitée en Ontario[1].
Présentement, ces informations sont accessibles dans le cadre d’enquête d’antécédent judiciaire, bien qu’elles ne soient pas de nature criminelle ou même judiciaire. En plus de constituer une atteinte sévère aux droits de la personne en matière de vie privée ; cette pratique contribue également à la marginalisation des personnes fragilisées d’au moins trois façons. Premièrement, elle limite l’accès à l’emploi et aux activités bénévoles de personnes souffrant de problèmes de santé mentale ou ayant vécu un épisode de fragilité. Secondement, ces mêmes personnes pourraient hésiter à chercher de l’aide ou demander du secours si elles ont des raisons de croire que ces démarches puissent nuire à leurs situations professionnelles. C’est donc un obstacle à l’obtention de service de soutien en cas de détresse, ce qui peut contribuer à aggraver leur état et de s’isoler davantage. Troisièmement, elle confère à ces mêmes problèmes une nature quasi criminelle, en répertoriant les épisodes de détresse psychologique parmi les antécédents judiciaires d’un individu.
Droits-Accès de l’Outaouais est très préoccupé par cet usage inquiétant du pouvoir policier et du manque d’encadrement législatif pour mieux protéger les personnes vivant des difficultés sur le plan de la santé mentale. Nous ne pouvons que dénoncer cette pratique qui constitue une atteinte sérieuse aux droits à la vie privée et à la dignité des citoyens. De plus, la Commission des Droits de la personne a émis un avis partageant nos préoccupations et recommandant une pratique qui respecte les articles 18.2, 10, 4 et 5 de la Charte des droits et libertés. Ce thème est également au cœur des préoccupations de la Commission d’accès à l’information. Nous demandons donc qu’un projet de loi vienne encadrer cette pratique de manière à ce qu’aucune information sur la santé mentale d’un individu ne soit communiquée dans le cadre de vérification d’antécédents judiciaires, comme c’est d’ailleurs le cas en Ontario. Le Ministère de la Sécurité publique a été interpellé par rapport à cet enjeu, mais à ce jour, nous sommes toujours en attente d’un engagement formel de leur part d’étudier la question. Par le fait même, Droits-Accès de l’Outaouais invite toute personne ayant été victime de cette forme de discrimination de contacter l’organisme afin de mieux mesurer l’impact de cette pratique sur les personnes concernées.
[1] Le projet de loi 113 de l’Ontario reçoit la sanction royale le 3 décembre 2015, réglemente les informations qui peuvent être transmises dans le cadre d’une enquête d’antécédents judiciaires, limitant la divulgation de toutes les « données de non-condamnation » et excluant les interactions avec la police ayant rapport à la santé mentale. (Assemblée législative de l’Ontario, Projet de loi 113, Loi de 2015 sur la réforme des vérifications de dossiers de police, décembre 2015 : http://www.ontla.on.ca/web/bills/bills_detail.do?locale=fr&BillID=3416)
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Source : Droits-Accès de l’Outaouais